27.6.10

Tom Collins


L’été, c’est la saison des cocktails «allongés» qui rafraîchissent. Dans ce genre-là, j’ai un nouveau favori: le Tom Collins.

Tom Collins

-1 ½ onze de gin
-3/4 d’onze de jus de citron
-Une cuillérée à thé de sucre
-Club Soda

On met le gin, le jus de citron et le sucre dans son shaker et on agite avec de la glace. On filtre ensuite le mélange dans un verre Collins rempli de glace. Puis on allonge avec le club soda jusqu’à ce que le verre soit rempli à ras bord.


Difficile de faire plus simple. Et pourtant, le Tom Collins est une petite merveille. Le citron et sucre s’équilibrent et font ressortir la saveur subtile du gin. J’ai été conquis dès la première gorgée.

Le Tom Collins a donné naissance à toute une famille de cocktail. En mettant du whisky à la place du gin, on obtient un John Collins. Avec de la tequila, un Juan Collins. Et avec du rhum, un Ron Collins.

Autre possibilité : ajouter un fruit en l’écrasant au fond de son shaker. Deux ou trois framboises font très bien l’affaire, mais je préfère… une tranche de concombre. Ça peut paraître bizarre mais ça marche parfaitement.

16.6.10

Mon festival de Banff

Ça fait toujours bizarre de se retrouver quelque part où on rêvait d’aller depuis longtemps. Soudain, l’endroit perd un peu de son aura mythique. La réalité remplace l’image qu’on avait inventé dans sa tête.

Ça faisait longtemps que je rêvais d’aller au Festival de la télévision de Banff et j’ai pu faire cette année grâce au Pieds dans la marge. Notre émission était en nomination pour un prix et ça nous a valu un voyage dans les Rocheuses.

On n’a pas gagné le prix, mais peu importe. Je venais surtout à Banff pour assister à des conférences données pas des auteurs de renom. Question qu’il en reste quelque chose, je me suis lancé un défi: tirer de chacune d’elle trois idées que je trouve utiles ou importantes. Voici que ça donne…

James Manos
Le gars qui a développé la télésérie Dexter à partir d’une série de romans mettant en vedette un «gentil» tueur en série.

-Un moment donné, James Manos a signé un contrat pour produire un film pour HBO. Quelques semaines avant de commencer, il a réalisé que… il n’avait pas la moindre idée comment produire son film. Alors il est allé voir un bonze chez HBO et lui a dit : «je n’ai pas la moindre idée comment produire mon film.» Le bonze s’est arrangé pour lui donner un cours accéléré et il a pu produire son film sans problème. Il y a une leçon pour tout le monde là-dedans. Quand on sait pas faire quelque chose, il faut le dire plutôt qu’essayer de le cacher. C’est notre seule chance que quelqu’un nous vienne en aide.

-Quand il a développé le personnage de Dexter Morgan, James Manos se posait une question : comment faire pour que le téléspectateur s’attache à un tueur en série? Pour lui, c’était la clé de tout. Et il a eu l’idée de faire de Dexter un genre de Pinocchio voulant devenir un vrai être humain parce qu’il pensait que le gens allaient s’identifier à cette quête-là. Ce n’est pas une révélation pour moi parce que c’est justement cet aspect du personnage qui m’avait accroché. Mais sur le moment, j’ai eu l’impression que j’étais tout seul à réagir comme ça alors qu’on dirait bien que ce n’est pas le cas. C’est une leçon pour moi parce que j’ai souvent tendance à croire que personne ne ressent ce que je ressens et que c’est mon principal problème en tant qu’auteur. C’est aussi une leçon d’écriture que j’ai le goût de résumer comme ça : il faut traiter tous nos personnages comme si c’étaient des tueurs en série et donner aux téléspectateurs une bonne raison de les aimer.

-«Anger is good», a dit James Manos durant sa présentation. Parce qu’il croit qu’être en colère peut aider écrire. C’est une façon colorée de dire qu’il faut écrire à propos de quelque chose qui vient nous chercher. Parce que sinon, on va avoir de la difficulté et ça va paraître au final. Et puis aussi à quoi bon?


Bill Prady
Un des créateurs du sitcom the Big Bang Theory

-Bill Prady a une théorie intéressante sur l’art du sitcom. Selon lui, si on peut prendre une ligne dans un sitcom, la dire à quelqu’un sans la mettre en contexte et le faire rire, c’est probablement qu’on a affaire à un mauvais show. Par contre, si on sent le besoin de raconter un bon bout d’histoire et d’expliquer qui sont les personnages avant de lancer la ligne, on a affaire à un bon sitcom. Parce que c’est un sitcom dans lequel l’humour provient des personnages et de la situation dans laquelle ils sont.

-Un gars qui se considère comme un nerd a demandé à Bill Prady comment un show mettant en vedette des nerds pouvaient être aussi populaires. Le gars disait qu’ils adoraient The Big Bang Theory, mais qu’ils ne comprenaient pas pourquoi autant de monde pouvait aimer ça aussi. C’est drôle parce que je dis souvent la même chose au sujet de Mad Men. La réponse de Bill Prady : les nerds de son show sont populaires parce que pour eux, la vie est un gros party super le fun auquel ils n’ont pas été invité. Et ça, c’est un sentiment que tout le monde ressent plus ou moins secrètement. C’est à ce niveau-là que la connexion s’établit. Ce qui est exactement ce que disait James Manos à propos de Dexter.

-Parce que c’est un sitcom très classique filmé devant public, The Big Bang Theory n’a pas l’air d’une œuvre très «personnelle». Et pourtant, c’en est une. Pendant quelques années, Bill Prady a travailler dans une firme informatique et a côtoyé des programmeurs complètement nerds. C’est ce qui lui a inspiré les personnages de son sitcom. Prady lui-même est un authentique nerd qui était tout excité parce qu'il allait interviewer William Shatner le lendemain. Bref, c'était en plein le gars parfait pour faire ce show-là. D'où une question que tout le monde devrait se poser: moi je suis le gars parfait pour faire quoi?


David Zucker
Le producteur qui aidé les auteurs Michelle et Robert King à créer la série The Good Wife.

-David Zucker a montré un extrait de The Good Wife durant lequel le personnage principal de la série, la femme d’un politicien qui s’est fait prendre à coucher avec des prostitués, reçoit une déclaration d’amour. Sa réponse: « I get the romance, show me the plan. Poetry's easy, it's the parent-teacher conferences that are hard. Everything that is important in life needs a plan». Il n’en fallait pas plus pour que je décide de regarder cette série.

-Quand ils ont commencé à développer la série, les auteurs de la série étaient fascinés par une image: celle de ces femmes de politiciens américains debout à côté de leur maris qui avouent en conférence de presse qu’ils ont eu une aventure avec une ou plusieurs femmes. C’est quand ils ont décidé de faire de cette image-là la toute première scène de leur série qu’ils ont finalement réussi à vendre leur projet à CBS. C’était le bon point de départ, le plus dramatique et le plus vendeur. Ma conclusion: il faut mettre de l'avant ce qui nous fascine parce que c’est notre meilleur chance de fasciner les autres.

-Selon David Zucker, tous les vrais bons shows fait quelque chose que personne n’avait osé faire auparavant. Dans le cas de The Good Wife, c’est avoir comme personnage principal une «vieille femme» de plus de 40 ans. Paraît qu’États-Unis, c’est du jamais vu. Alors je pense que ça vaut la peine de se poser la question quand on crée quelque chose: qu’est-ce que je fais que personne n’a osé faire auparavant?


Ricky Gervais
Le génie comique qui nous a donné The Office et Extras… avec son compère Stephen Merchant.

-Ricky Gervais a dit «On ne peut pas trouver un personnage drôle si on ne ressent pas de l’empathie pour lui». C’est plutôt étonnant de la part du créateur de David Brent, l’insupportable patron de la version originale de The Office. Pour s’expliquer lors de sa conférence, Ricky Gervais a parlé de ses idoles de jeunesse: Laurel et Hardy. «J’avais envie de les serrer dans mes bras», a-t-il dit. On ne peut pas en dire autant de David Brent. Plusieurs personnes à qui j’ai passé cette série-là n’ont pas pu la regarder au complet parce qu’ils «haïssaient trop» David Brent. Mais moi je l’ai toujours trouvé assez pathétique pour ne pas le détester.

-Parlant de Laurel et Hardy: en écoutant Ricky Gervais, j’ai eu l’impression que pour lui un sitcom c’est une série de duos comiques possédant leur dynamique propre. Dans The Office, il y a David Brent et Gareth, Gareth et Tim, Tim et Dawn, Dawn et David Brent, Tim et David Brent, etc. Dans Extras, il y a Andy et son agent Darren, Andy et Maggie, Darren et Barry, etc. Pour un auteur, ça me paraît une façon géniale de voir sa série. Ça permet se poser des questions vraiment utiles. Qu’est-ce que ça va donner quand ce personnage-là va se retrouver avec celui-là? C’est quoi la mécanique comique entre ces deux-là? Est-ce que ma galerie de personnages me donnent plusieurs combinaisons riches en potentiel ou est-ce que j’ai un problème à ce niveau?

-Quand ils ont commencé à travailler sur The Office, Ricky Gervais et Stephen Marchant savaient surtout ce qu’ils ne voulaient pas faire: de gros gags, de l’humour facile, des «one liners». Ils écrivaient en réaction aux sitcoms qu’ils avaient vus et n’avaient pas aimés. Ça me semble une excellente façon de «partir la machine».


Vince Gilligan
Le créateur de la série Breaking Bad

-Le «héros» de Breaking Bad, Walter White, fabrique et vend du meth, ment à toute sa famille et n’en finit plus de vendre son âme au diable. Et pourtant, on est attaché à lui. L’explication de Vince Gilligan. «Walter White est un gars qui a une passion». C’est vrai qu’on a toujours du plaisir à regarder aller un personnage qui se consacre entièrement à quelque chose. L’auteur a aussi dit à propos de Walter White: «I found him endelessly interesting to write about». Comme auteur, je pense qu’il faut absolument se sentir comme ça par rapport à son personnage principal.

-Vince Gilligan a cité Stanley Kubrick qui a déjà dit qu’un film devait contenir une demi douzaine de «moments insubmersibles». Ou, pour être plus clair, des moments tellement forts et singuliers qu’ils vont rester dans la tête du spectateur pour toujours. Ou, pour être plus poétique, des moments qui sont en soi des œuvres d’art. Chose certaine, Breaking Bad regorge de moments comme ceux-là. La fameuse scène impliquant une tortue par exemple. Badger sur son banc public. Jesse et la toilette chimique. L’oncle de Tuco et sa petite clochette. Le drogué qui essaie de forcer le coffre-fort d’un guichet automatique. Comme l’indique ces exemples, les moments mémorables de Breaking Bad sont souvent construits autour d’un objet qui devient un des «vedettes» de la scène. J’ai déjà lu quelque part que Vince Gilligan aimait les auteurs qui étaient capables de «raconter une histoire de façon visuelle». Construire une scène autour d’un objet permet certainement de faire ça.

-Beaucoup de fans aiment que les créateurs d’une série aient un plan bien défini et sachent exactement où s’en vont avec leur histoire. Ils ont l’impression que ça ne peut pas donner de bons résultats si les auteurs «improvisent» au fil des épisodes. Et pourtant, c’est ce que font presque tous les auteurs y compris Vince Gilligan. Sa philosophie d’écriture: «We try to listen to the characters and to stay true to the characters.» Or, un personnage, ça ne sort pas tout d’un bloc quand on conçoit une série. On découvre ça peu à peu, à mesure qu’on écrit des épisodes. Cette façon de travailler a aussi l’avantage de permettre aux auteurs de faire de belles découvertes et de les exploiter au maximum. Dans Breaking Bad, par exemple, Vince Gilligan avait décidé de faire mourir le personnage de Jesse à la fin de la première saison. Mais il a tellement aimé ce qu’a fait l’acteur Aaron Paul avec le personnage qu’il a mis de côté son plan. Jesse a survécu et la série ne s’en porte que mieux.


Ian Breenan
Un des trois auteurs de la série Glee.

-Je ne connaissais pas Ian Breenan et je n’ai jamais regardé un épisode de Glee au complet. Mais il a tout de suite capté mon attention en disant: «It’s when you stop trying to writing something important that you start writing something important.»

-Ian Breenan, Ryan Murphy et Brad Flachuck co-écrivent tous les épisodes de Glee et se partagent la direction de la série. Selon Breenan, ce travail de collaboration donne une émission capable de séduire un public plus large. Il a dit que s’il était le seul maître à bord, Glee serait probablement un show culte suivi passionnément par un million d’Américains… mais complètement ignoré par tous les autres.

-Sur l’humour, Ian Breenan a dit quelque chose qui me paraît fondamental: «You always have to be offensive to be funny». Je pense que c’est vrai. Comme le fou du roi qui osait se moquer de son patron, il faut avoir l’audace de faire quelque chose que personne d’autre n’ose faire. En abordant un sujet tabou par exemple. Ou en repoussant les limites de l’insignifiance.

4.6.10

Mad Men 1.13: The Wheel

Le dernier épisode de la première saison de Mad Men met en évidence LE procédé narratif qui distingue cette série de toutes les autres. Je dirais même que c’est l’arme secrète de Matthew Wiener et de son équipe d’auteurs – le «truc» sur lequel repose la magie particulière de cette série-là.

Honnêtement, il a fallu que je lise cet article pour mettre le doigt dessus. Pour résumer en une phrase courte: par leurs actions, les personnages s’éclairent l’un l’autre. Ou pour être plus précis: ce qui arrive à un personnage est très souvent expliqué, complété et rendu plus dramatique par ce qui arrive à un autre personnage.

Dans The Wheel, il y a deux exemples très clairs. Ce n’est pas un hasard si Harry Crane a trompé sa femme dans l’épisode précédent et couche au bureau dans celui-ci. Ça nous permet de voir un gars qui a ruiné son mariage en plein au moment où on se demande si Don Draper n’est pas en train de ruiner le sien.

Ce n’est pas un hasard non plus si Francine vient raconter à Betty Draper qu’elle a pris son mari en flagrant délit d’adultère et fini par avouer qu’elle n’a aucune idée quoi faire maintenant qu’elle «sait». Ça nous permet de mieux comprendre pourquoi Betty fait l’autruche à propos des infidélités de son propre mari.

Ailleurs dans la série, ce procédé-là est utilisé beaucoup plus subtilement, à toutes sortes d’échelles. Parce que Joan est la maîtresse de Roger Sterling, on comprend mieux pourquoi Rachel hésite à devenir la maîtresse de Don. Et parce Rachel finit par tomber sous le charme de Don, on comprend pourquoi Joan n’a pas pu résister à Roger. Bref, ces deux histoires se complètent.

On peut établir le même genre de parallèle entre Don Draper et Peggy Olsen. Ces deux-là sont pratiquement le même personnage à deux étapes différentes de sa vie. En regardant aller Peggy, on comprend comment Dick Whitman est devenu Don Draper.