28.5.20

L'ordre des morts


Comme tous ses semblables, le drame collectif dans lequel on patauge a ses particularités qu’on perçoit mieux avec le temps.  

En voici une qui me frappe : cette pandémie fait des milliers de victimes, mais elle ne me donne pas l’impression de vivre dans un monde ravagé par le deuil et tout ce qu’il implique : l’incompréhension, la révolte, l’accablement.  
                   
La COVID-19 a changé nos vies, mais, elle n’a pas changé nos morts; c’est-à-dire qu’elle ne crée pas un «nouvel ordre» des morts. Dans l’immense majorité des cas, ceux qui meurent sont ceux à qui c’était le tour de mourir.

Rien à voir avec la Seconde Guerre Mondiale, par exemple, qui a emporté des milliers de fils qui n’avaient pas encore trente ans, et plongé deux fois plus de parents dans l’incompréhension, la révolte et l’accablement.

Un enfant qui perd ses parents, on appelle ça un orphelin; et bien sûr, presque tout le monde finit par devenir orphelin.

Des parents qui perdent son enfant, on n’a pas de mot pour ça. C’est littéralement une réalité innommable; un renversement tellement contre-nature qu’on lui refuse la dignité d’un nom.      

Pendant la Seconde Mondiale, des milliers de familles ont été frappées par cette réalité innommable. Même chose, à plus petite échelle, avec le 11 septembre ou Polytechnique. Et à ces fois-là, on a vécu un vrai deuil collectif.  

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